Intégrale de Riemann
Définition
Introduction
Considérons une parabole, plus spécifiquement la parabole d'équation , et posons la question naturelle, géométrique suivante. Comment calculer l'aire sous cette courbe ? À savoir la surface sous la parabole mais au dessus de l'axe des (zone hachurée).
Le premier à avoir rigoureusement répondu à ce type de questions fut Archimède qui, il y a bien longtemps (environ 300 ans avant notre ère), a démontré que, dans ce cas-là, l'aire est exactement égale à .
Sa méthode (qui ne sera pas détaillée ici) est appelée "méthode d'exhaustion" et consiste à remplir de triangles la région dont on souhaite calculer l'aire. On commence par un grand triangle.
Puis deux plus petits triangles.
Et quatre triangles encore plus petits.
Et ainsi de suite... De manière à exprimer l'aire de cette région sous la forme d'une série géométrique qu'Archimède savait calculer et dont la somme vaut exactement .
Objectif
L'objectif de ce cours n'est pas d'étudier la méthode d'Archimède mais une technique bien plus générale, bien plus récente, qui est due à Riemann et ses contemporains. Cette technique consiste à commencer par approximer de manière grossière l'aire sous la courbe grâce à celle d'une somme de rectangles.
Définition
Nous commençons par considérer une fonction quelconque, à valeurs réelles (c'est-à-dire pas forcément positives, même si elles le seront toujours sur les dessins que nous ferons). De plus, pour des raisons qui paraîtront claires dans un instant, nous ne considérerons que des fonctions continues (bien que nous verrons qu'elles peuvent éventuellement êtres "continues par morceaux", c'est-à-dire continues sur des intervalles donnés).
Il faut donc imaginer une fonction qui ressemble à peu près à ceci.
Note
Même si la fonction représentée ici est positive, afin de faciliter l'interprétation géométrique de ce que nous allons faire, il faut s'imaginer que tout est aussi bien valable pour une fonction qui prendrait des valeurs négatives.
Nous allons à présent faire trois choses.
-
Nous commençons par choisir une partition de l'intervalle . Qu'est-ce qu'une partition d'un intervalle ? C'est simplement une façon de le subdiviser en une union d'intervalle plus petits. Pour ce faire, il faut choisir un premier point qui est égal à , puis un second, le point qui est un peu plus grand, puis un point encore un peu plus grand, encore plus grand et ainsi de suite un point , , jusqu'à , et enfin qui est égal à .
Concrètement, sur notre dessin, cela revient à faire la chose suivante.
En fait, il s'agit d'une décomposition de l'intervalle en sous-intervalles qui ne sont pas forcément tous de mêmes tailles, mais qui donnent une partition de l'intervalle . Une fois cette partition obtenue, elle permet de diviser l'aire sous la courbe, dans le cas où la fonction est positive comme sur notre dessin, en une union de choses qui ressemblent un peu à des rectangles.
-
Maintenant que nous avons obtenu cette partition, nous allons étudier chaque intervalle qu'elle définit. Nous noterons ces intervalles . Elles correspondent à l'intervalle fermé qui va de jusqu'à .
Dans chacun de ces intervalles, nous choisissons un élément . Sur notre dessin, nous voyons donc que nous avons un entre et , un entre et , un entre et , et ainsi de suite jusqu'à entre et .
-
Finalement, nous prenons ces points afin d'évaluer la valeur de la fonction en chacun de ces points, à savoir avec . Si nous revenons à notre dessin, cela signifie que nous regardons la hauteur du graphe de la fonction au-dessus des points .
Maintenant que nous avons cette partition, ce choix particulier de points et les valeurs de la fonction en chacun de ces points, on définit ce que nous appelons la somme de Riemann associée (associées car elle dépend de tous les choix que nous avons effectués jusqu'à présent).
Définition de la somme de Riemann associée
Pour définir cette somme, nous sommons pour allant de jusqu'à , la valeur de la fonction au point multiplié par la taille de l'intervalle , à savoir la différence .
Nous observons le dessin le k-ème terme de cette somme de Riemann, qui concerne donc l'intervalle avec le point et la valeur de la fonction en ce point. Nous utilisons cette valeur pour définir un rectangle (bleu hachuré), qui a pour base et pour hauteur.
Donc, si est un nombre positif comme sur ce dessin, alors le produit représente l'aire de ce rectangle puisque l'on multiplie sa base par sa hauteur qui est . De plus, l'aire de ce rectangle approxime assez bien (on l'espère) l'aire sous le graphe de la fonction entre et .
Ainsi, si la fonction est positive comme sur notre dessin, alors la somme de Riemann est une somme d'aires de rectangles de hauteurs variables (puisqu'ils ont tendance à épouser le graphe de la fonction) qui fournit une approximation relativement bonne de l'aire sous la courbe.
En augmentant le nombre de rectangles, en les prenant avec des bases toujours plus petites, et avec des hauteurs qui épousent toujours mieux le graphe de la fonction, alors on rendra la valeur de la somme de Riemann aussi proche que l'on voudra de l'aire exact sous la courbe.
Ce que l'on désire donc faire, d'un point de vue théorique, c'est de prendre une limite de la somme de Riemann , où n tend vers l'infini et correspond au nombre de rectangles associés à la partition.
Il s'agit d'une "limite" à mettre entre guillemets, étant donné qu'elle n'est pas encore bien définie pour le moment et que c'est assez compliqué à faire. Si l'on veut augmenter , le nombre de rectangles (sachant que, pour rappel, nous travaillons toujours au sein d'un intervalle qui est fixe), alors il faut augmenter le nombre de choix des points dans chacun des intervalles . D'autre part, afin d'être plus précis, on désirerait garantir que la taille de chacun des intervalles tende vers . Donc, si l'on appelle la taille de l'intervalle, c'est-à-dire , on aimerait que .
Définition de l'intégrale de Riemann
Donnons donc à présent un sens à cette limite en passant par une vraie définition. Soit une fonction sur un intervalle fermé (nous évoquerons sa continuité plus tard). On dit que la fonction est intégrable (au sens de Riemann) s'il existe un (que nous appellerons intégrale de ), tel que pour tout (epsilon) strictement positif, il existe un nombre strictement positif, tel que quelque soit la partition que l'on prend de l'intervalle , partition dont le est plus petit que , et pour tout choix des points à l'intérieur de chacun des intervalles , alors on obtient que la somme de Riemann associée a une différence avec qui est au plus égale à .
Notation
Ce nombre , lorsqu'il existe, est noté de la façon suivante.
On l'appelle "intégrale définie sur l'intervalle de la fonction ". Elle est aussi appelée "intégrale de Riemann" car elle a rigoureusement été définie par ce dernier et ses contemporains.
Voici quelques remarques à propos de cette notation.
-
Il y a d'abord ce symbole qui ressemble un peu à un "s" et qui vient de "somme". Il a été introduit par Newton.
-
Et que sommons-nous exactement ? Rappelons-nous qu'à l'origine nous faisons la somme de rectangles. Ces rectangles sont de largeur et de hauteur . Nous sommions donc sur un indice discret des grandeurs de . Suite au processus de limite défini plus haut , où nous prenons toujours plus de rectangles avec des largeurs toujours plus fines, on obtient finalement des rectangles de largeur "infinitésimales". Ainsi, leur largeur n'est plus un mais un élément appelé . De ce fait, le rectangle a une aire définie par une hauteur multipliée par sa base , à savoir .
Remarque concernant le signe
Si est positive (comme sur nos dessins), alors l'intégrale représente l'aire sous le graphe, c'est-à-dire l'aire de la région , délimitée par le graphe de , l'axe des , et les deux droites verticales d'équation .
En revanche, si la fonction n'est pas de signe constant positif, c'est-à-dire si elle peut changer de signe sur l'intervalle , alors l'intégrale de à de est aussi définie et il s'agit également d'un nombre. Seulement, ce nombre ne représente pas l'aire mais l'aire analytique de la région , qui tient compte des contributions positives et négatives de la fonction.
Une question qui vient à présent naturellement à l'esprit est de se demander quelles fonctions il est possible d'intégrer selon la définition que nous venons de donner à l'intégrale.
Théorème
Il y a une condition imposée à une fonction pour qu'elle soit intégrable : elle soit être suffisamment lisse, dans le sens d'être continue. Un théorème (que nous ne démontrerons pas) dit que si une fonction est continue sur un intervalle fermé et borné, alors elle est intégrable.
En outre, on peut imposer à la fonction une condition un peu plus faible, celle d'être continue par morceaux. Cela signifie que cette fonction peut avoir un nombre fini de discontinuités sur l'intervalle .
Maintenant que nous avons un critère d'intégrabilité, la question est de savoir comment calculer l'intégrale sur un intervalle d'une fonction qui est intégrable.
Calcul d'une intégrale
Nous savons que l'intégrale, par définition, part d'une somme de Riemann. Donc, ce que nous pourrions faire est de considérer une partition de l'intervalle , établir une somme de Riemann et approximer la valeur de l'intégrale par cette somme de Riemann.
Malheureusement, cette somme de Riemann ne fournira jamais qu'une approximation. Ce que l'on aimerait donc connaître, c'est l'erreur par rapport à la vraie valeur de l'intégrale que l'on désire calculer.
Pour ce faire, nous pouvons observer de plus près un intervalle associé à une partition. Si l'on choisit dans cet intervalle un point quelconque et que l'on regarde la valeur de la fonction en ce point, on observe que cette valeur est toujours plus petite ou égale au maximum de la fonction sur cet intervalle et toujours plus grande ou égale au minimum de la fonction sur cet intervalle.
Cela s'applique à tous les intervalles. On peut donc écrire pour chaque intervalle , que peu importe le choix du point , la valeur de la fonction en ce point est toujours plus petite ou égale à (le maximum de sur ) et toujours plus grande ou égale à (le minimum de sur ).
Si l'on applique cela sur chacun des intervalles jusqu'à d'une partition, en commençant par les maximums, ces nombres nous permettent de définir ce que l'on appelle la somme de Darboux supérieure.
La somme de Darboux supérieure
Notation
On note la somme de Darboux supérieure avec une barre au-dessus de grand , à savoir .
La somme de Darboux supérieure est définie comme la somme des multipliés par les .
Où l'on rappelle que est le maximum de sur l'intervalle .
Si nous observons à présent les minimums sur chaque intervalle, on peut définir la somme de Darboux inférieure.
La somme de Darboux inférieure
Notation
La somme de Darboux inférieure est notée avec une barre en-dessous de , c'est-à-dire .
La somme de Darboux inférieure est définie comme étant la somme des multipliés par les .
Où l'on rappelle que est le minimum de sur l'intervalle .
Ainsi, si l'on veut, la somme de Darboux supérieure représente la plus grande somme de Riemann possible, tandis que la somme de Darboux inférieure est la plus petite somme de Riemann possible.
Plus intéressant, l'aire de la vraie courbe est plus petite que la somme de Darboux supérieure et plus grande que la somme de Darboux inférieure, quelle que soit la partition.
On peut donc dire que pour toutes partitions que l'on choisit de l'intervalle , l'intégrale de entre et est toujours plus grande ou égale à la somme de Darboux inférieure et toujours plus petite ou égale à la somme de Darboux supérieure et cela, même si la fonction prend des valeurs négatives.
Voyons maintenant un exemple dans lequel nous utiliserons un moyen simple pour calculer l'aire sous une courbe.
Exemple
Pour cet exemple, nous prendrons en guise de courbe la même parabole qu'Archimède (voir Introduction), d'équation .
Nous aimerions donc calculer le nombre , à savoir l'aire en dessous de la parabole et au-dessus de l'axe des et qui se trouve entre et . Étant donné que la fonction est paire (c'est-à-dire symétrique par rapport à l'axe des ), il suffit en fait de doubler une moitié de l'aire totale. Nous prendrons la moitié de droite, celle située entre et . Nous calculerons donc l'intégrale de à de la fonction .
Nous calculerons cette intégrale en utilisant des sommes de Darboux.
Visualisation des sommes de Darboux
La surface gris clair sous la courbe de la fonction représente l'aire qui nous intéresse.
En cochant la première case, nous pouvons faire apparaître la somme de Darboux supérieure. Grâce au curseur, nous pouvons faire varier leur nombre. Commençons par le régler sur . Nous remarquons que tous les éléments de la partition choisie () ont la même taille, à savoir . Nous remarquons que la hauteur de chacun des rectangles rouges correspond au maximum de la fonction sur leur intervalle.
En cochant ensuite la deuxième case, nous pouvons faire apparaître la somme de Darboux inférieure. On observe bien que la hauteur de chacun des rectangles bleus correspond au minimum de la fonction sur leur intervalle. En outre, étant donné que le minimum de la fonction vaut sur le troisième intervalle, la hauteur du rectangle associé est nulle, il n'y a donc pas de troisième rectangle.
Si nous regardons la valeur de la somme de Darboux supérieure (environ si le curseur est réglé sur ), il s'agit de la somme des aires de ces trois rectangles rouges.
La somme de Darboux inférieure (toujours pour ) a quant à elle une valeur bien différente, soit environ , ce qui n'est toutefois guère étonnant puisqu'il n'y a que rectangles.
Si nous augmentons maintenant le nombre de rectangles grâce au curseur, on remarque que les sommes de Darboux supérieures et inférieures affichent des valeurs de plus en plus proches. Autrement dit, leur écart diminue. On a donc l'impression que si l'on pouvait faire tendre le nombre de rectangles vers l'infini, on obtiendrait des sommes de Darboux dont les valeurs deviendraient arbitrairement proches.
Encore mieux : étant donné que les sommes de Darboux supérieure et inférieure ont apparemment une limite identique lorsque tend vers l'infini, la vraie valeur de l'aire sous la courbe est toujours comprise entre la valeur de la somme de Darboux supérieure et la valeur de la somme de Darboux inférieure.
Cette limite lorsque tend vers l'infini, si on sait la calculer, doit nous donner la valeur de l'aire sous la courbe. Procédons donc à ce calcul.
Pour ce faire, nous commençons par partitionner l'intervalle avec des intervalles de même taille, que l'on appelle une partition régulière.
Cette partition régulière de à intervalles, est une partition de [0;1] où les intervalles ont tous la même longueur. Afin qu'ils aient tous la même taille, il faut que celle-ci corresponde à .
Commençons maintenant par observer la somme de Darboux supérieure. On remarque que le maximum sur un intervalle se trouve toujours sur le point tout à gauche de cet intervalle.
On peut donc dire que pour la somme de Darboux supérieure, (le maximum de la fonction sur l'intervalle ) correspond à la valeur de la fonction au point , le point tout à gauche de l'intervalle. De plus, comme tous les valent , on peut écrire la somme de Darboux supérieure de la façon suivante
Après avoir réarangé un peu les termes et utilisé le fait que , on obtient
En ce qui concerne la somme de Darboux inférieure, on remarque sur le dessin que le minimum d'un intervalle correspond toujours au point tout à droite de cet intervalle.
Si on procède comme avant, on peut écrire (le minimum de la fonction sur un intervalle ) comme étant la valeur de la fonction au point , à savoir .
Encore une fois, en réarangeant les termes et en utilisant le fait que , on obtient
Rappel
L'intégrale de entre et est toujours contenue entre la somme de
Darboux inférieure et la somme de Darboux supérieure.
Maintenant que nous avons calculé ces sommes de Darboux supérieure et inférieure
On remarque que les deux contiennent une somme de carrés, nous utiliserons donc la formule qui dit que la somme des carrés des entiers est égale à fois fois , le tout divisé par .
Si l'on utilise directement cette formule pour la somme de Darboux inférieure, il n'y a aucun problème, puisqu'il suffit de remplacer. On obtient alors
Si on l'utilise pour la somme de Darboux supérieure, l'expression est un peu moins jolie car il faut utiliser la formule pour au lieu de . On obtient finalement
Dans les deux cas, nous venons donc d'éliminer la somme et il ne nous reste que des fractions. De plus, on peut effectuer une simplification par dans les deux cas.
Sous cette forme, nous somme capables d'en calculer les limites lorsque tend vers l'infini. En effet, on voit que tend vers et aussi vers .
Ainsi, puisque
Et que les valeurs de et convergent les deux vers (calculé en faisant ), on obtient que
Étant donné qu'il s'agit de la moitié de l'aire sous la parabole, nous pouvons à présent conclure que l'aire sous la parabole de vaut exactement , comme l'avait dit Archimède.
Propriétés
Définition
La définition de l'intégrale de Riemann d'une fonction sur un intervalle est compliquée... elle implique des partitions, des choix de points, des epsilons () et des deltas (). En somme, elle fait de l'intégrale de Riemann un objet qui est, pour l'instant, assez difficile à manipuler.
Définition d'une intégrale de Riemann
Soit On dit que est intégrable (au sens de Riemann) si tel que , tel que pour toute partition de pour laquelle chaque , et pour tout choix de points , on a que .
Notation
Objectif
Le but de ce chapitre est d'énoncer des propriétés qui découlent de la définition générale de l'intégrale de Riemann d'une fonction. Ces propriétés nous permettront ensuite de calculer des intégrales de façon plus efficace.
Rappel
Rappelez-vous que l'intégrale est un nombre. Il s'agit d'un nombre réel qui est construit à partir de sur l'intervalle .
D'ailleurs, ce n'est pas parce que des apparaissent dans la notation de l'intégrale qu'elle dépend de . Dans ce cas, est appelée variable muette. n'a servi qu'à construire cette intégrale. En fait, à la place d'un , on aurait tout aussi bien pu utiliser un , un , ou n'importe quelle autre lettre.
Propriétés de base de l'intégrale
Note
Ci-dessous, on supposera toujours que les fonctions et sont intégrables sur les intervalles considérés.
Intégrale en un point (convention)
La première propriété (qui est plutôt une convention) est que si l'on intègre une fonction sur un point et non pas sur un intervalle, l'intégrale vaut .
Relation de Chasles
Si l'on intègre une fonction sur un intervalle et que l'on s'arrête en un point intermédiaire , alors on obtient la relation suivante
Selon cette relation, l'intégrale de à de + l'intégrale de à de (qui correspond à la somme des deux aires en hachurées sur l'image si la fonction est positive) est égale à l'intégrale de de jusqu'à .
Cette relation est appelée relation de Chasles et possède un analogue en géométrie vectorielle.
L'intégrale et son opposé
Comment définir une intégrale de à d'une fonction si est plus petit que ?
Ceci n'est pas très naturel, puisque l'on va toujours du début de l'intervalle, jusqu'à la fin. En s'inspirant de la relation de Chasles, on aurait alors que l'intégrale de à + l'intégrale de à devrait être égale à l'intégrale de à (qui vaut , conformément à la première propriété).
Il paraît donc assez naturel que la seconde intégrale devrait valoir l'opposé de la première.
Donc, on définit l'intégrale de à comme étant l'opposé de l'intégrale de à .
Il paraît d'ailleurs assez naturel de penser qu'en allant de jusqu'à , c'est-à-dire "à reculons", et que l'on construit, pour ce faire, des rectangles afin de former une somme de Riemann, la base de ces rectangles sera négative. En effet, la base de ces rectangles se calcule alors comme un qui donne bien un qui est une longueur.
Intégration de la somme de deux fonctions
Si l'on intègre une somme de deux fonctions , alors l'intégrale de cette somme est égale à la somme des intégrales des deux fonctions.
Pourquoi cette relation est-elle vraie ? Ce n'est pas vraiment surprenant si l'on pense au procédé qui permet de définir l'intégrale. Si nous avons et que nous y ajoutons une fonction pour obtenir , nous construisons alors l'intégrale de . Pour ce faire, nous utilisons des rectangles qui peuvent tous, dans une somme de Riemann pour , être décomposés en un rectangle pour (en bleu) sur lequel on additionne un rectangle pour (en rouge).
Ainsi, lorsqu'on écrit la somme de Riemann correspondante à , on obtient
on peut simplement la diviser en deux étant donné qu'il s'agit d'une somme finie, à savoir la somme pour les + la somme pour les . Du point de vue des sommes de Riemann, cette relation est donc évidente.
Intégration d'une fonction multipliée par une constante
Lorsqu'on intègre une fonction multipliée par une constante , alors cette constante peut être sortie de l'intégrale.
À condition que soit bien un nombre qui ne dépend pas de .
Comparaison d'intégrales
Cette propriété est très utile pour étudier l'intégrale d'une fonction compliquée. En effet, si peut être comparée à , c'est-à-dire si est plus petite ou égale à pour tous les sur un intervalle , alors l'intégrale de est plus petite ou égale à celle de .
Cette propriété apparaît très clairement du point de vue des sommes de Riemann. En effet, si l'on a deux fonctions et , et que l'on écrit la somme de Riemann pour , on remarque que tous les rectangles construits à cet effet (sur la première image) peuvent être comparés à des rectangles plus grands (sur la seconde image), qui correspondent à ceux de la somme de Riemann pour .
Ainsi, si l'on écrit la somme de Riemann avec des points pour
puisque est plus petit que , on peut écrire (étant donné qu'il s'agit d'une somme finie) que la somme de Riemann pour est plus petite ou égale la somme de Riemann pour .
Utilisons immédiatement cette comparaison afin de démontrer une inégalité très utile...
Valeur absolue
Si l'on désire estimer l'intégrale de à de , c'est-à-dire estimer sa valeur absolue, alors cette valeur absolue est plus petite ou égale à l'intégrale de la valeur absolue de .
Comment démontrer cette inégalité ? On commence par écrire que pour tout dans l'intervalle , est un nombre compris entre la valeur absolue de et l'opposé de la valeur absolue de
Si l'on utilise ensuite la comparaison définie plus haut , pour l'inégalité on obtient que l'intégrale de à de est plus petite ou égale à l'intégrale de la valeur absolue de
Si l'on utilise encore une fois la comparaison pour l'inégalité , on obtient que l'intégrale de est plus grande ou égale à l'intégrale de l'opposé de la valeur absolue de
Enfin, si nous réunissons les relations et , nous obtenons
Dans la première expression, le signe devant la valeur absolue peut être sorti de l'intégrale et placé devant, conformément à la propriété , définie ci-dessus. On peut donc écrire
Ainsi, on démontre bien l'inégalité .
Le théorème de la moyenne
Pour terminer, nous allons énoncer et démontrer le théorème de la moyenne.
D'abord, qu'est-ce que la moyenne d'une fonction ?
Définition de la moyenne d'une fonction
Soit une fonction définie sur l'intervalle fermé, qui est intégrable sur cet intervalle. La moyenne de la fonction sur l'intervalle est définie comme le nombre noté ( barre) qui est égal à divisé par la taille de l'intervalle () multiplié par l'intégrale de à de la fonction
Cette définition paraît assez naturelle si l'on se souvient de la définition d'une moyenne pour une famille de nombres jusqu'à . En l'ocurrence, la moyenne de ces nombres (par exemple une moyenne de notes) se calcule en faisant divisé par le nombre de notes () , qui est analogue au de la définition , multiplié par la somme des nombres jusqu'à . Toujours de façon analogue, cette somme correspond à l'intégration de la fonction entre et
Comme calcul de valeur moyenne d'une quantité qui dépend d'un paramètre continu, on pourrait donner l'exemple de la température moyenne.
Exemple de la température moyenne
Comment calcule-t-on une température moyenne ? Supposons qu'au temps on mesure une température en un point du globe. Cette température varie en fonction du temps, il s'agit d'une fonction continue. Supposons que nous la mesurions sur un intervalle de temps . Alors, la température moyenne au cours de cet intervalle de temps , est égale à l'intégrale de à de la fonction , multiplié par l'inverse de
Exemple du bloc de glace
Une autre façon de s'imaginer la valeur moyenne d'une fonction serait de prendre une fonction positive et considérer son graphe sur l'intervalle [a;b] comme représentant la forme d'un bloc de glace. Dans ce cas, l'intégrale de sur représente simplement la quantité totale de glace dans ce bloc.
Si :
Supposons ensuite que nous laissions cette glace fondre. Nous revenons quelques heures plus tard, la glace a fondu et le volume d'eau est égal en première approximation au volume de glace original. Nous affirmons alors que la hauteur du niveau d'eau est précisément égal à la moyenne de . Puisque la quantité d'eau doit être égale à la quantité de glace, et que la quantité d'eau se calcule simplement en multipliant la base par la hauteur du rectangle, à savoir la moyenne . On remarque que l'on retombe sur ce qui définit la moyenne de la fonction
Théorème de la moyenne
Passons maintenant à l'énoncé du théorème de la moyenne. Pour ce faire, il nous faut une fonction qui soit continue, c'est-à-dire intégrable. On affirme alors qu'il existe un nombre tel que la valeur moyenne de la fonction sur l'intervalle est exactement égal à la valeur de la fonction au point
Démonstration
Il faut commencer par remarquer qu'en tout point de l'intervalle , est plus petite ou égale au maximum () de la fonction sur cet intervalle, tout en étant plus grand ou égal au minimum () de la fonction sur l'intervalle
En utilisant la comparaison définie ci-dessus, si , on obtient que l'intégrale de est plus petite ou égale à l'intégrale de
Or, étant donné que est une constante, son intégrale correspond à la multiplication de par la taille de l'intervalle . On peut donc écrire
Si l'on procède de la même manière pour le minimum, on déduit que
En réunissant les deux inégalités, on obtient alors
Si l'on divise ensuite tous les termes par , on obtient
À savoir que la valeur moyenne de la fonction est comprise entre et . Puisque la fonction est continue, c'est-à-dire qu'elle prend toutes les valeurs intermédiaires entre son minimum et son maximum (conséquence directe du théorème de la valeur intermédiaire), il doit donc exister un point où la fonction prend la valeur
Le théorème fondamental de l'analyse
Objectif
Notre objectif est de développer des méthodes qui permette de calculer l'intégrale d'une fonction sur un intervalle .
Rappel
Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup d'intégrales que nous savons calculer.
-
Nous savons, par exemple, intégrer une constante. Si , une constante dans l'intervalle , alors il suffit, pour calculer l'intégrale de cette fonction qui est l'aire d'un rectangle, de multiplier la hauteur par la base . D'ailleurs, cela fonctionne aussi si est négatif.
-
L'autre cas que nous savons calculer (voir Exemple) est l'aire qui se trouve sous la parabole d'équation (aussi appelée la parabole d'Archimède) entre et . Nous pouvons le faire grâce à tout un attirail de calculs, notamment des sommes de Darboux, ce qui nous permet de montrer que cette intégrale vaut .
Nous aimerions maintenant une méthode beaucoup plus robuste, qui s'applique plus généralement.
La fonction-aire
Afin de développer une technique d'intégration plus générale, nous commençons par faire quelque chose qui semble, à priori, plus compliqué. Nous fixons un entre et et considérons , qui correspond à l'aire sous la courbe entre et , comme nous le voyons sur ce dessin.
Définition
Définissons pour une fontion qui est intégrable, la fonction-aire associée à , comme étant la fonction qui est l'intégrale de à de .
Notes
Attention, nous appelons ici la variable muette plutôt que , puisque est déjà utilisé.
Cette fonction est définie sur tout l'intervalle .
Remarques
-
Un point où nous connaissons très bien cette fonction est le point , où correspond l'intégrale de la fonction de à , ce qui vaut par convention.
-
Un point où nous aimerions connaître la valeur de la fonction-aire est au point .
Nous avons l'impression que pour connaître la valeur de la fonction-aire en ce point , il va falloir comprendre comment cette fonction dépend de , ce qui revient à savoir calculer l'intégrale de entre et . Seulement, comme on ne sait pas encore le faire entre et , la tâche semble encore plus ardue pour un quelconque. Gardons tout de même espoir car nous ferons dans quelques instants une remarque au sujet de qui est tout à fait surprenante et nous permettra de nous tirer d'affaire.
Toutefois, avant cela, considérons deux exemples dans lesquels on sait calculer pour un quelconque.
Exemples
-
Pour ce premier exemple, nous reprendrons la fonction constante . Dans ce cas, si on fixe un intermédiaire, et que l'on calcule , qui est l'intégrale entre et de cette constante, comme cette intégrale correspond toujours à l'aire d'un rectangle, elle vaut la valeur de la base multipliée par la hauteur, à savoir fois .
Sur ce schéma interactif, on représente au-dessus de un point à la hauteur , qui nous permet de visualiser comment dépend de . On remarque en déplaçant entre et que , comme nous le savions déjà, et on voit que augmente à mesure que se rapproche de . En cochant la case qui permet de tracer le graphe de , on peut même constater que augmente linéairement. Ce graphe représente la fonction qui est égale à .
-
Dans ce deuxième exemple, on complique un peu les choses en prenant une droite qui n'est pas horizontale, à savoir une fonction de la forme . Prenons plus précisément une droite avec une pente et une ordonnée à l'origine positive. Comment calcule-t-on dans ce cas ? C'est un peu plus compliqué qu'avant car l'aire de correspond là à l'aire d'un trapèze et non pas d'un rectangle.
Afin de calculer l'aire d'un trapèze, il faut faire la moyenne de la grande et de la petite base, en l'occurrence fois la hauteur qui correspond ici à .
Après simplification, on obtient que cette aire correspond à
Si l'on observe la valeur de sur ce schéma interactif en faisant varier la position de , on remarque en cochant la case qui permet de faire apparaître la courbe décrite par que celle-ci n'est plus linéaire. Il s'agit d'une fonction quadratique qui s'explique par le dans la fonction .
Remarques à propos de ces exemples
-
Concernant le premier exemple, si l'on regarde cette fonction et qu'on la dérive par rapport à , on obtient qui est exactement égal à !
-
Pour le deuxième exemple, si l'on prend la fonction et qu'on la dérive par rapport à , on obtient (le donne le et le vient de , on rappelle par ailleurs que est une constante, elle n'entre donc pas en jeu). Une fois de plus, nous obtenons donc !
La question que l'on peut se poser est s'il s'agit d'un hasard que la dérivée de la fonction-aire () existe et qu'elle soit exactement égale à . Serait-il possible de concocter un exemple d'une fonction dont la fonction-aire ne serait soit pas dérivable, soit dont la dérivée ne serait pas égale à ? La réponse est non. La résultat que nous énoncerons maintenant dit que ce que nous venons d'observer sur ces deux exemples est (en gros) toujours vrai ! Ce résultat est ce que l'on appelle le théorème fondamental de l'analyse.
Théorème fondamental de l'analyse
Ce théorème affirme que si l'on prend une fonction sur un intervalle , qui est continue sur cet intervalle fermé et que l'on définit sa fonction-aire comme nous l'avons fait tout à l'heure (à savoir en intégrant de jusqu'à ), alors cette fonction-aire est dérivable partout à l'intérieur de l'intervalle et sa dérivée est partout exactement égale à .
Ce théorème dit que même si l'on ne sait pas vraiment calculer cette intégrale très compliquée qui définit la fonction , on connaît quand même sa dérivée en tout point de l'intervalle .
Si nous y pensons un instant, retrouver une fonction à partir de sa dérivée se présente comme un exercice qui n'est pas forcément facile mais il semble à priori possible et paraît tout de même plus facile que de calculer cette intégrale via des sommes de Riemann ou de Darboux.
Avant de passer à une preuve rigoureuse, nous décrirons l'idée qui se trouve derrière la preuve et qui est très simple à comprendre.
Démonstration
Idée
Commençons par énoncer l'idée qui se trouve derrière la démonstration.
Supposons donc que l'on veuille démontrer que la dérivée de la fonction-aire est égale à .
Pour commencer, il est bien de se rappeler ce qu'est la dérivée de la fonction .
Rappel
La dérivée de la fonction correspond à la limite lorsque tend vers de .
Étant donné que est définie par une propriété géométrique, nous nous aiderons d'un dessin. Sur notre dessin, nous supposons la fonction positive et nous représentons, pour des raisons de clarté, un point assez éloigné de , mais il faut savoir qu'ils sont en réalité très proches, puisque est très petit (il tend vers ).
Par définition, est égale à l'intégrale de entre et . Par la propriété de l'intégrale (voir Relation de Chasles), cette première intégrale est égale à la somme de l'intégrale de entre et et celle entre et .
On voit donc que l'aire entre et est égale à la somme de l'aire entre et qui est égale à (en rouge) et la petite intégrale qui correspond à l'aire hachurée en bleu.
Lorsque est petit, on peut approximer cette intégrale par l'aire d'un petit rectangle qui a une hauteur et une largeur . Cette intégrale s'estime donc par la multiplication de la hauteur et de la largeur .
On peut donc récrire comme étant
Ainsi,
Démonstration rigoureuse
On commence par fixer un strictement entre . Puis, on essaye de démontrer que la dérivée de en ce point existe et qu'elle vaut .
Rappel
La dérivée de est la limite du rapport de Newton lorsque tend vers .
Afin de fixer les idées, nous prendrons d'abord un qui tend vers par la droite, à savoir . Nous considérerons ensuite le cas contraire. La différence de moins correspond, comme nous venons de le voir, à l'intégrale entre et de .
Sur ce petit intervalle entre et nous utiliserons le théorème de la moyenne (voir Théorème de la moyenne). Conformément à ce théorème, il existe un point quelque part entre et , tel que cette intégrale est égale à la valeur de la fonction en ce point multipliée par la largeur de l'intervalle qui est .
On peut donc maintenant récrire
Il est important de noter ici que le dépend de et de car il se trouve quelque part entre les deux.
Par conséquent, si tend vers par la droite, doit nécessairement tendre vers par la droite.
Donc, si l'on considère la limite du rapport de Newton lorsque tend vers par la droite, on peut la remplacer par la limite de lorsque tend vers par la droite qui peut elle-même être remplacée par la limite de lorsque tend vers par la droite qui est égal à puisque l'on a supposé la fonction continue en .
De la même façon, on peut montrer que la limite lorsque tend vers par la gauche est égale à . On a donc bien démontré que la dérivée de existe et qu'elle est égale à .